Quand un amour d’enfance se manifeste des générations plus tard
Des leçons tirées du séjour de Kristelle au sommet de l’innovation à Panguipulli, Chili en avril 2024
J’ai grandi à Madrid, en Espagne. Pays obsédé par le foot. Comme bien d’autres, je ne suis pas passée à côté de cette obsession. Je pouvais nommer tous les starting 11 du Real Madrid (masculin – l’équipe féminine a pris plus de temps à se développer), je pouvais identifier s’ils étaient passés par la cantera (la relève) ou s’ils étaient venus d’ailleurs. Les samedi soir on regardait cela en famille, souper version apéritif sur un banc qui faisait office de table, une ambiance bruyante. Les dimanches, c’était journée devoirs d’école tout en écoutant La Liga à la radio. Mes apprentissages de conjugaison interrompu par le son de « gooooooooooool ». Mon pref, c’était Iván Zamorano. D’origine chilienne, c’était le #9 de l’équipe. Vous vous doutez bien que j’avais une affiche dans ma chambre mais j’avais surtout une photo de lui et mon papa ensemble (longue histoire) et son autographe sur un mouchoir encadré de ma maman (la même longue histoire). Je parcourais le Marca (journal sportif) chaque fin de semaine pour voir ce que les journalistes osaient dire sur sa dernière performance (jamais assez de bons mots à mon point de vue). C’est comme cela que mon amour pour le Chili a commencé. À travers un amour de jeunesse, le pays était devenu le #1 de ma bucket list. Finalement, je suis passée de vouloir être journaliste sportive à m’engager dans la culture, mais l’obsession pour le Chili elle, ne s’est jamais éteinte.
Cette obsession est quasiment devenue un frein, jamais je n’ai voulu partir au Chili seulement pour les vacances. Si j’y allais, ce serait seulement pour y travailler! Pour y vivre, pour être plongée dans la culture de ce pays. Quelques années plus tard, vivant à Londres, en Angleterre, j’ai souhaité partir d’Europe pour travailler dans les arts. Bien sûr, il n’y avait qu’une seule destination possible, mais les étoiles ne se sont pas alignées à ce moment-là. Et même si depuis 2011 je suis finalement du bon côté de l’Atlantique, le plus proche que je me suis retrouvée du Chili, c’est la préparation d’un énorme curanto végé pour la célébration de mes 40 ans.
Puis, à l’été 2023, j’ai eu le privilège de participer à la cohorte 2023-24 du Global Leaders Institute for Arts Innovation (GLI) et avec cette invitation en poche, la chance de participer à un sommet au Pérou ou au Chili. Vous comprendrez que cette fois-ci, il n’était plus question de repousser. Le Pérou allait devoir attendre. Le 19 avril 2024, après prêt de 35 ans d’attente, j’ai pris l’avion direction Santiago de Chile pour un séjour inoubliable d’une semaine.
Comblée.
Et avec mon chandail de Zamorano dans mes valises.
Photo Diego Ramos
Avec une excitation digne d’un enfant le matin de Noël, j’ai atterri dans le sud, prête à profiter de chaque seconde de mon temps dans ce pays. Déterminée à vivre à 150 km à l’heure, à boycotter le sommeil et à parler à toute personne rencontrée sur mon chemin. J’ai commencé avec le chauffeur de taxi à l’aéroport. “Mais oui! Zamorano! C’était mon voisin. Il a grandi dans un barrio d’ouvrier. J’étais ami avec son frère. Très gentil, il n’a jamais oublié ses racines, toujours là pour te dire bonjour”. Oh wow. “Et il est où maintenant?“ “Ah, ben là. Iván, il était buen futbolista, mais malísimo en negocios. Il habite maintenant à Miami.” Miami? Mais, pourquoi est-ce que j’ai pris l’avion pour me rendre aussi loin au sud?
Après un court et heureux séjour à Santiago (ou, entre autre, j’ai fait la découverte du magnifique centre d’art GAM et le Musée de la Mémoire et des Droits de l’homme), je me suis retrouvée de nouveau à l’aéroport à Santiago, cette fois-ci direction de Panguipulli, un endroit rempli de lacs et le lieu du Sommet de l’innovation. Bien que certaines personnes de mon passé pourraient l’argumenter, mes objectifs n’étaient pas seulement “sportifs”. J’avais – clairement! – très hâte de rencontrer des membres de cette cohorte de GLI, de pouvoir travailler de concert avec les membres de la communauté et d’en apprendre plus sur les différentes techniques d’innovation qui allaient faire partie de cette semaine.
Photos Diego Ramos
Les chiliens ont l’art de l’accueil. Le premier soir ils nous ont emmené dans une yourte mapuche, celle du peuple indigène de la région pour un repas traditionnel. Ils nous ont servi entre autres des sopapillas avec une salsa style pico de gallo dont je salive encore. Un autre soir, c’était une activité d’argile suivie d’une prestation musicale de Paola Ñanculef. Nous avions les larmes aux yeux lorsqu’elle a parlé de se faire voler sa langue indigène. Chaque soir c’était un nouveau resto, une nouvelle découverte et une nouvelle manière de découvrir la culture du pays.
Photos Diego Ramos
Une méthode d’apprentissage sans équivoque
Une semaine au Chili, ce n’était pas seulement la route du foot, du vin et de la bouffe. L’extraordinaire arrive quand tu partages des moments avec des artistes, penseurs et travailleurs culturels. Voici les quatre grands apprentissages que je retiendrai de cette semaine :
- La découverte de Bartek Stawski et la pensée innovatrice. On se croyait créatif, on se croyait rempli d’imagination, et ensuite arrive Bartek pour nous faire réaliser que le cerveau humain est totalement paresseux
- La théorie derrière le Adaptive leadership qui nous permet d’apprendre des nouveaux processus de direction avec l’arrivée d’une métaphore sublime du balcon et la piste de danse.
- La capacité assez merveilleuse de l’humain de se faire comprendre et de bien travailler ensemble, même quand nous ne parlons pas la même langue et que nous n’avons pas les mêmes méthodologies de travail.
- Le sublime qui arrive grâce à la richesse de la rencontre. Tout est possible quand nous sommes autour de la même table.
De retour à la maison
À raison, on met un grand focus dans notre travail à soutenir les artistes locaux, les producteurs locaux. On cherche activement à le faire, c’est essentiel. Être plongé dans le micro local est un désir et une action qui est présente depuis de nombreuses années. Mais j’ai réalisé qu’en procédant de la sorte, j’ai perdu de vue ce qui se passe au-delà de ma bulle. Notre crise climatique est globale, planétaire. Et bien que nos solutions ne peuvent pas l’être, elles doivent se baser sur la connaissance et la capacité de chaque territoire, nous avons un besoin d’aller au-delà de notre bulle.
Ma participation au GLI et au sommet de l’innovation m’a rappelé, que nous sommes tous et toutes à vivre notre vie sur cette sphère bleue, qui se faufile dans l’espace à une vitesse de dingue.
Qui aurait cru qu’un rêve d’enfance pourrait propulser une expérience professionnelle aussi unique.
Merci au Théâtre des Petites Lanternes, au Global Leaders Institute for Arts Innovation, à la Ville de Sherbrooke et au Conseil des arts du Canada.