Metteure en scène pour Quatre-Quarts, la grande finale
Un article de Pascale Rousseau
Cet article fait partie d’une série d’écritures soigneusement choisies et commissionnées dans le cadre de Quatre-Quarts, la grande finale
« Il y a très peu de corps comme moi, et donc peu de point de vue comme le mien, dans le milieu québécois. »
« Il y a des richesses à découvrir en nous quand on se laisse être vu par les yeux de quelqu’un d’autre. Quand on n’a plus peur de se découvrir par la perspective d’une autre personne. »
C’est donc avec des yeux nouveaux que l’équipe de Quatre-Quarts propose au public de revisiter son propre environnement, celui qu’il a arpenté et exploré jusqu’à plus soif pour se désennuyer au cours du confinement. Mais la phrase de l’artiste résonne plus profondément au cœur de notre expérience québécoise. C’est un appel à une plus grande diversité des voix dans notre paysage culturel, à s’assurer que tout le monde est invité à la fête. Parce que les histoires qu’on raconte influencent comment on perçoit les autres, et soi-même. Voilà bien la philosophie qui tend tout le travail du TPL et de ses dirigeantes. On comprend donc que l’association entre ces femmes est venue naturellement.
Dans les textes d’Andréanne Joubert, Tamara a retrouvé les thèmes pour lesquels elle aime s’engager. D’abord la connexion, le désir de connecter aux autres, à soi-même, à son environnement, c’est-à-dire la nature, le voisinage, l’architecture et toutes les histoires surimposées au cours des temps sur ces lieux-là. Puis, l’amour, toujours, au cœur de son travail. Elle s’intéresse à comment les gens aiment, aux secrets et aux révélations qui se cachent dans les relations entre les gens, avec leurs différences sociales.
« Quand tu regardes quelqu’un de plus près, il y a toujours un secret caché au fond qui résonne, qui a son miroir qui correspond en toi. Je ne sais pas qui l’a dit, mais je trouve ça très vrai… plus une expérience est très spécifique, bizarrement, plus elle devient universelle. »
De l’équipe autour du projet, elle n’a que des éloges et des remerciements à faire. À l’exception d’Aurora Torok, l’équipe est composée de nouvelles rencontres créatives pour Tamara. La femme est d’ailleurs très heureuse de retrouver sur sa route la jeune conceptrice d’éclairage, qui sort tout juste des bancs d’école. Tamara reconnaît la particularité du parcours académique de la nouvelle génération, qui a dû se confronter à des problématiques nouvelles dans les dernières années. Elle croit que ces artistes y ont développé des forces, un élan qu’elle a envie de suivre. Du côté des comédiens évoluant dans l’univers Quatre-Quarts, on remarque une distribution diversifiée, ce qui enchante la metteure en scène. Elle souligne le travail des directrices artistiques, qui font le choix de représenter la société dans son ensemble, malgré les défis prétextés trop souvent dans le milieu. Surtout, Tamara souligne la grande générosité et l’ouverture de ses coéquipiers. Créer en contexte de pandémie demande de revoir tout ce qu’on croyait connaître.
« Personne n’est en train de travailler comme on voudrait, on cherche toujours de nouvelles solutions. On connaît la destination depuis quatre ans, mais on construit les tracks en avant du train. Ça demande beaucoup de confiance, d’écoute, de bonne volonté et d’humilité. »
Avant même que la pandémie survienne, les défis étaient multiples dans le projet pour Tamara. En plus de travailler principalement à distance avec une équipe francophone, elle remarque que la méthodologie du théâtre en français est très différente que dans le milieu anglophone, donc de sa formation. C’est aussi la première fois qu’elle aborde le théâtre de paysage, plutôt habituée aux salles obscures et à un public statique. Mais cette perspective la stimule. Discuter avec Tamara est une expérience visuelle autant que vocale, car elle utilise le mouvement autant que la parole pour communiquer. Ainsi, lorsqu’elle travaille avec les comédiens dans sa mise en scène, elle bouge beaucoup pour vibrer au rythme de chaque personnage. C’est donc la première fois qu’elle doit prendre aussi la place du public qui sera également en mouvement.
De ses dires, Tamara ne sera pas la même personne à la fin de l’expérience Quatre-Quarts. Les apprentissages sont quotidiens auprès de cette équipe et dans ce contexte, et elle prévoit déjà devoir faire une pause pour digérer tout ce bagage au terme du projet.
« C’est déstabilisant, c’est dépaysant, c’est bon! Quand on est dépaysé, ça donne toujours l’occasion pour plus d’empathie, plus d’apprentissages. J’adore avoir raison, j’haïs avoir tort. Si cette expérience-là me montre où j’ai tort, je peux travailler pour avoir raison. (Rires) Je suis bélier, j’ai de l’orgueil! Je veux avoir des A partout! Mais ce n’est pas possible, il faut que je m’abandonne, il faut que je lâche prise! But it’s the best thing in the world! Mais c’est peut-être une bonne chose, je demande à mon industrie de se déstabiliser aussi et ça va me rappeler quand avoir la générosité dans certains domaines… et quand ne pas être patiente. »
Ainsi, pour Tamara, le projet Quatre-Quarts c’est un magnifique laboratoire où chacun de nous, membres du public et de l’équipe, créerons une nouvelle couche d’histoire dans nos quartiers. Bien qu’on sache qu’il y ait une destination, c’est ensemble que nous déciderons à quoi ressemble son paysage.
Quatre-Quarts est une histoire de quartiers aux grandes émotions.